L’expression “santé connectée” et les objets connectés au service de la santé prennent une place grandissante dans les réflexions chez nos clients assureurs et, au-delà, dans notre vie quotidienne.
Comment devons-nous comprendre cette tendance ? Quelles sont les opportunités qui sont ouvertes par les objets connectés notamment, et au service de quels usages pouvons-nous envisager l’intérêt de ces innovations ?
Les origines de la santé connectée, aussi appelée e-Santé, remontent essentiellement en France à une loi de 2009, suivie d’un décret en 2010 relatifs à la télémédecine, qui précisent principalement les quatre actes médicaux concernés. Ce périmètre, défini par le Dr Pierre SIMON contenait : la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance médicale, et enfin la téléassistance médicale. Aujourd’hui, la plupart de ces éléments sont encore d’actualité, alors que les technologies ont largement évolué et que le marché est autrement plus mature qu’il y a dix ans ! Ces usages ont par ailleurs été renforcés ou rendus possibles par une plus forte connectivité d’internet et par les évolutions des objets connectés.
Le secteur de l’assurance vit sur ce terrain de la santé connectée des évolutions majeures depuis quelques années. Le point clé de ces évolutions est le développement de la téléconsultation, qui s’est très rapidement imposé pour un ensemble de typologies de consultations (au départ majoritairement sur un terrain de soins courants). Mais toutefois avec, pour nos clients assureurs, une double contrainte : du côté des assurés, à travers une distribution dominée par l’ANI et donc des procédures d’appels d’offres érigeant ce service en “must have”, et de l’autre, des produits, finalement assez comparables.
La santé connectée apparaît aujourd’hui pour beaucoup comme un levier de différenciation si elle dépasse le simple niveau de la téléconsultation, permettant de remporter des nouveaux contrats dans un marché qui s’est rouvert à la faveur de la résiliation infra annuelle (même si cette dernière a eu très peu d’effet en période “Covid”, cette dernière n’étant pas propice pour une entreprise au changement de complémentaire santé).
Les assureurs ne sont pas les seuls à s’intéresser à cette santé connectée ! Les plus grands acteurs mondiaux prennent des positions structurantes, tant du point de vue du matériel que des données créées à ce sujet. Côté matériel, on peut citer Apple, qui ambitionne de faire de l'Apple watch l’objet du diagnostic médical déporté de demain, ou Google qui investit dans les objets Fitbit fin 2020. L’un et l’autre “cherchant” actuellement comment organiser leur activité "santé'' en lien avec ces objets connectés. Côté data, nombreux sont les acteurs à l’étranger (assureurs, centres de soins, hôpitaux, fournisseurs d’applications mobiles) qui se penchent sur ces données, sans toujours identifier clairement comment les exploiter. En France, “Mon Espace Santé” devrait à ce titre clarifier certains besoins et usages.
Que peut-on faire avec ces objets connectés en santé justement ?
Tout d’abord, la santé connectée suppose le développement et l’usage d’objets connectés qui viennent collecter un ensemble de données. On en distingue 2 types :
Les objets connectés qualifiés de « dispositifs médicaux » qui interviennent notamment dans le suivi des maladies chroniques et les objets connectés de « bien-être et de loisir » qui permettent un suivi aussi bien sur l’activité physique que sur l’alimentation. Les montres connectées sont parmi les objets les plus orientés sur cet axe, cependant, de par sa démocratisation sur le marché, c’est bien le smartphone qui fait aujourd’hui office de principal objet connecté de santé (même s’il ne répond pas à la définition car prévu dès le départ pour “surfer” sur le web ) et qui peut être utilisé très facilement par n’importe quel développeur d’application. Le rapport coût / bénéfice est donc très bon.
Ainsi, la véritable opportunité liée à ces technologies réside bien dans la capacité à interpréter des données brutes, statiques ou dynamiques, en temps réel ou en asynchrone afin d’en tirer des apprentissages. En s'appuyant sur plusieurs méthodes, grâce aux analyses statistiques (modèles prédictifs ou matrices de corrélation par exemple), ou à l’intelligence artificielle.
Toutefois, notons ici que l’enjeu principal pour l’assureur n’est pas nécessairement d’avoir réponse à tout, ou de tout anticiper, mais bien de pouvoir apporter d’abord une valeur pour l’assuré (patient) et finalement pour lui-même. En effet, sans valeur perçue, l’assuré refusera de donner son consentement à l’usage de ses données.
Approfondissons ce dernier point lié à la valeur pour mieux comprendre les usages qui peuvent en découler.
Depuis quelques années, une tendance très forte est en cours chez chacun d’entre nous, et notamment renforcée par le développement des smartphones : il s’agit d’une mesure permanente de toutes choses, et en particulier de nos propres données, transmises usuellement via un ou plusieurs objets connectés à votre smartphone. Depuis l’évolution de notre poids, jusqu’au suivi de nos pas quotidiens en passant par la fréquence du rythme cardiaque ou bien encore le nombre d’heures de sommeil, tout est mesuré, tracké, suivi et piloté ! On parle de « quantified self ». Pour autant, et c’est là un paradoxe intéressant, si chaque individu accepte de se mesurer, il ne veut pas trop, en France du moins, qu’on lui dise ou suggère ce qu’il doit faire ou peut faire pour améliorer une situation. C’est le même mécanisme que celui de la cigarette : le fumeur sait que c’est mauvais pour sa santé, mais va s’opposer fermement à celui qui tenterait de le faire arrêter.
Ainsi, en se mesurant, chaque individu a, à sa disposition, un ensemble de données qui pourraient facilement être utilisées pour du coaching ou de l’accompagnement mais l’adoption de ce genre de services s’avère assez complexe. Ceux qui y sont parvenus, notamment le fameux programme Vitality en Afrique du Sud, montrent que la gamification est un vecteur intéressant de l’adoption, en plus d’une appétence sociétale au traitement des données personnelles, que nous n’avons pas encore en France.
Une des opérations qui peut cependant être menée et développée plus rapidement en France concerne la détection ou le diagnostic à distance, l’aide au suivi d’un traitement. C’est ce qui était envisagé par la télésurveillance médicale dès 2009. L’idée est donc de pouvoir accéder aux données à distance et de s’en servir comme un outil d’aide au diagnostic médical grâce aux données récupérées via des objets connectés. Cela peut même être fait en temps réel. Par exemple, une personne qui a des troubles cardiaques pourrait voir son rythme cardiaque suivi et piloté à distance et une alerte pourrait être donnée dès qu’une arythmie anormale est détectée, et des secours d’urgence (ou un relais, comme via l’application sauv.life) envoyés sur place.
Évidemment, ce type d’action n’est pas encore généralisable, mais la vie de patients atteints de maladies chroniques pourrait probablement être considérablement améliorée.