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Notre système de santé et son financement en 2022, un contexte favorable à la réflexion ?

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Les discussions autour du système de santé Français, tant apprécié mais montrant de plus en plus de faiblesses, vont bon train, alors que nous approchons de l’élection présidentielle. Il me semble important aujourd'hui de tenter une lecture des grands enjeux et tendances.

Tout d'abord, et comme chaque année, le PLFSS donne les grandes orientations des financements des dépenses sociales et de santé, pour l'année à venir. Force est de constater que, malgré la déflagration que représente la pandémie que nous venons de vivre (et sommes encore en train de vivre), ce PLFSS reste très classique et en continuité par rapport à ce qui pouvait se faire auparavant. Et c’est normal. Un PLFSS en rupture voudrait dire que la déflagration mentionnée ci-dessus aurait amené à des réflexions de fond sur la structuration du système pour le modifier en profondeur afin de combler ses faiblesses, voire modifier la logique de sa construction, pour ensuite, et ensuite seulement, y adosser les principes de financement alloués. Tout au plus, certaines mesures reprises du plan pour les indépendants et l’accès simplifié à la Complémentaire Santé Solidaire montrent une prise en compte de situations particulièrement préoccupantes. Aucune rupture n'est donc à constater de ce côté-là. C'est, comme souvent, une continuité, d'une année sur l'autre, une année de “présidentielle” générant, de plus, l'urgence d'attendre la prochaine.

Plus concrètement, c'est du côté des débats en amont de la présidentielle ou des propos et rapports visant à alimenter ces débats, que l'on peut trouver des propositions plus marquées. Là encore centrées sur le financement. Bien sûr on pense évidemment à la fausse bonne idée de "Grande Sécu" (aujourd’hui exsangue financièrement, mais qui par miracle rembourserait tout demain) et autres scénarios alternatifs du rapport du HCAAM. Avec, en mesure potentiellement commune à ces différents scénarios, le bouclier sanitaire, un système de plafonnement des remboursements, universel ou limité aux frais hospitaliers. Tout ceci n’ayant préalablement fait l’objet de véritable débat, ressemble fâcheusement à un chiffon rouge agité pour faire réagir l’écosystème de la santé : repoussé unanimement et autant par les assureurs complémentaires que par les professionnels de santé, ce rapport a eu le mérite de générer des prises de positions intéressantes car centrées sur les besoins des Français pour leur santé, sur les solutions face aux difficultés structurelles de notre système de santé actuel (notamment celle de la dégradation de l'accès aux soins), et non d’abord sur son financement.

Si l’on évoque ses difficultés, il faut aussi souligner les opportunités à portée de main pour l’améliorer; car les pratiques des soins ont grandement évolué du fait de la pandémie, et bien sûr on pense en premier lieu à la téléconsultation, mais aussi aux télésoins et plus largement aux différentes composantes de la e-Santé. Et ces évolutions, si importantes qu'elles soient, sont bien plus modestes que celles vécues dans d'autres pays, comme les pays nordiques par exemple (Danemark ou Finlande), ou encore les Etats-Unis. Faut-il alors s'attendre à une seconde vague plus forte de transformation ?

Au chapitre des opportunités figure en bonne place la prévention; en effet, difficile aujourd’hui de ne pas identifier la prévention comme un axe d’investissement faisant défaut à notre système actuel : toutes les études comparatives des systèmes de santé dans le monde le confirment; et si les analyses convergent, elles identifient tout autant l'accès aux données de santé comme un accélérateur majeur d’initiatives dans le domaine de la prévention. Alors réticence des patients à partager leurs données (ce n’est pas ce qu’ils disent quand on les interroge directement) ou plutôt séparation rigide entre Sécurité sociale et assurance complémentaire, fermant à cette dernière l’accès à des données utiles pour des démarches d'accompagnement, de coaching, et de réduction globale des risques ? En tous cas le résultat actuel n’est pas à la hauteur des enjeux de notre santé publique, et il est grand temps d'envisager ces questions de manière plus holistique.

Le contexte fait donc apparaître une sorte de momentum favorisant la réflexion et pourquoi pas, des actes !

 

Que peut-on souhaiter pour notre système de santé ?

Comme nous l'avons déjà plusieurs fois évoqué, notamment autour des scénarios du HCAAM, les débats sur notre modèle social en général, et sur la santé en particulier, sont trop souvent empêtrés dans des exposés extrêmement complexes voire technocratiques, ou alors présentés de manière trop simpliste et manichéenne, laissant apparaître des postures plus que des arguments. Si l'on ne peut ouvrir un débat neutre et objectif sur ce modèle social, il sera impossible de le modifier en profondeur, de le renforcer et de le financer à un coût supportable dans les années qui viennent.

Si l’on devait reprendre les attentes profondes des Français, quelles seraient-elles ? D’abord accéder plus rapidement aux soins dont ils ont besoin (les nombreuses études existantes sur ce sujet démontrent toutes que le délai moyen d’attente pour un rendez-vous médical, toutes spécialités confondues, continue de croître et devient, dans certaines régions (ou grandes villes d’ailleurs) insupportable ! Ensuite, continuer à pouvoir se soigner avec des reste-à-charges (RAC) contenus; c’est un fait, le RAC du patient dans notre système est un des plus faibles de l’OCDE, et c’est une des vertus du système de financement “Sécu + complémentaires” en place. Également, continuer à protéger les personnes fragiles par un mécanisme “socle” de solidarité, de mutualisation en pierre angulaire de notre système, et préserver, en complément, la liberté de choix du professionnel de santé auquel on doit avoir recours. Enfin, que le vieillissement soit mieux pris en compte, mieux anticipé, pour vivre en bonne santé plus longtemps, et là encore à des coûts acceptables.

Tout ceci s’inscrivant dans un contexte de démographie “non favorable” (vieillissement de la population et envol de la consommation de soins associée à ce vieillissement), d’envol des coûts des traitements (on soigne mieux des pathologies de plus en plus nombreuses mais avec des investissements en R&D de plus en plus lourds), et d’une organisation de soignants, de personnels accompagnants, qui ont démontré leur héroïsme pendant la crise sanitaire, mais sont épuisés dans un système insuffisamment reconnaissant et qui repose trop sur leur seule conscience professionnelle. Bref... il est important d’agir sans attendre.

Heureusement du brouhaha généré par les rapports mentionnés plus haut ont émergé de nombreuses analyses qu’il faut impérativement ne pas remiser au placard comme si de rien n'était :

  • D’abord que les relations d’hier ne doivent pas présager des relations de demain; oui les professionnels de santé et les assureurs complémentaires sont prêts à réfléchir ensemble à des champs d’amélioration du système de santé, notamment pour développer la dimension “prévention” en son sein. D'ailleurs, ils l’ont déjà fait avec des négociations dans les branches qui ont permis dans certaines professions la mise en place d’actions de prévention (le transport, la boulangerie, etc).
  • Ensuite que les partenaires sociaux, en entreprise, sont aussi un atout considérable pour accélérer, via la négociation, le développement d’actions de prévention permettant de peser sur le risque futur du salarié en entreprise. D’ailleurs, ce modèle doit bien disposer de vertus puisque c’est celui dont la mise en place vient d’être décidée pour la future protection sociale de nos fonctionnaires. Ainsi qu'une solidarité nouvelle avec la population des retraités, qu’il convient aussi de souligner…
  • Sur la force du maillage territorial de proximité de notre système, qui, orienté différemment, permettrait de redistribuer des rôles empreints du passé (rôle des urgences, rôle de l’hôpital entre proximité et spécialisation, ..) pour un accès aux soins plus rapide, plus efficace et mieux coordonné.
  • Enfin des analyses sur le rôle central du patient lui-même : avant d’être patient, il est un enfant d’abord, ensuite une femme ou un homme dont on sait pertinemment que le comportement sera un des grands déterminant de sa santé de demain. Plus généralement, l’intérêt de repositionner le client / patient / assuré au cœur des problématiques de la santé. Ses besoins, ses attentes, ses craintes, et son éducation doivent être prises en considération. Et là sont peut-être les clés d'une évolution nécessaire du modèle.

Une montée en puissance de la e-santé

La pandémie a accéléré la transformation de notre société, de nos comportements et de nos usages en son sein. Le secteur médical n'est pas exclu de cette transformation, et il est évident que les pratiques et moyens actuels n'ont plus rien à voir avec ce qui se faisait il y a encore à peine 5 ans. Recherche d’un professionnel de Santé en ligne, prise de rendez-vous, téléconsultation, .. et plus largement les composantes de ce qu’on appelle la e-santé se sont immiscées dans notre quotidien petit à petit, et tendent à s’installer comme des nouveaux usages. Il s'avère que c'est encore trop lent et trop long. Des craintes semblent encore freiner ou tempérer leur développement, par nos gouvernants ou des syndicats professionnels parfois, avec pour argument une opposition à un système “tout digital” - plutôt caricatural- et dans d’autres cas des pratiques relevées, répréhensibles, de plateformes qui ne respectent pas l’éthique forte qui doit être associée au développement de ces nouveaux usages.

En la matière, il est intéressant d'observer que ces composantes de la e-santé ont été créées à l’initiative d’opérateurs privés pour l’essentiel, faisant appel à des capitaux également privés, mobilisés pour mettre sur le marché, avec une grande agilité, ce qui était il y a peu des innovations, dont l’intérêt a ensuite (mais ensuite seulement) été reconnu par la sécurité sociale pour être étendu et financé par le système de santé “socle” au coeur de la pandémie. Et dans ces acteurs privés, de nombreux acteurs du système de santé, traditionnels, start-ups, mais aussi, et notamment pour la téléconsultation, les assureurs complémentaires eux-mêmes…

La question de la légitimité pourrait pourtant freiner de nombreux assureurs, mais c'est un débat sans fin, car la légitimité vient avant toute chose d'une bonne capacité à répondre aux vraies problématiques de son client. Et avec le contexte actuel de challenge de la légitimité de chacun, ou du niveau de sa possible contribution à la transformation de notre système de santé, il est plus que temps que les assureurs complémentaires accélèrent pour peser, grâce à leurs investissements, dans les transformations évoquées plus haut : il est même probable que nous assistions à un rattrapage. Et rappelons d’ailleurs quelques sujets ou avancées sur lesquels les assureurs complémentaires ont désormais acquis cette fameuse légitimité pour accélérer :

  • La gestion du risque: c'est au cœur de leur métier et c’est un actif majeur pour remonter dans la chaîne vers la prévention. Avant le soin, les assureurs complémentaires peuvent investir dans le maintien en bonne santé. Ce métier d’assureur ne se copie pas si facilement. Des GAFA et autres compagnies récemment créées sur des actifs technologiques s’y sont essayées et s’y essayent encore.
    Une autre illustration de la gestion du risque est la détection de la fraude: c'est un des domaines qui a le plus évolué depuis quelques années, avec des mécaniques de détection de plus en plus performantes grâce à la combinaison IA -expertise des gestionnaires, maximisant la vertu dans l’utilisation du système de santé.
  • La performance d'accords gagnant-gagnant avec les PS: longtemps et encore objet de débats, ce point était plus inattendu, car à travers les réseaux de soins par exemple il y a eu des tensions avant de trouver des points d’équilibres entre les différentes parties prenantes; et dans le même temps, certains organismes mutualistes ont mis en place grâce à leurs services de soins et d'assistance mutualistes, une réponse tangible sur les territoires pour développer des soins de proximité et accessibles.

Pour approfondir ces thématiques et bien d'autres encore, il faut être en mesure d'accompagner et de tester/ implémenter des travaux d'innovation majeurs que ce soit en matière de datas, d'outils, d’objets connectés, mais aussi du point de vue financier à des démarches d'investissement privé orienté sur des projets qui vont prouver leur efficacité dans une stratégie globale de la santé.


Une nécessaire refonte à venir de l'assurance santé

Ainsi, dans cet ensemble de transformations en profondeur du secteur, il me semble important de laisser grande ouverte la porte à une refonte du modèle de l'assurance santé à la française !

Les offres en assurance santé, dont la performance initiale était profondément basée sur la plus large mutualisation possible du risque d’une population, n’ont eu de cesse d’être encadrées depuis la réforme de 2004 et les contrats dits responsables, d’être taxées à de multiples reprises, successives, “temporaires qui durent” parfois, d’être dénoncées comme étant illisibles alors qu’elles s’appuient sur le jargon même du système qu’elles “complémentent”.

Alors plutôt que jeter le bébé avec l’eau du bain, mobilisons toutes les bonnes volontés et la puissance des opérateurs privés, car le moment me semble propice au lancement de modifications substantielles sur le marché, et même à un changement de paradigme qui sera une véritable refondation de notre modèle social : remplacer, au cœur de ce modèle, le concept de soin, par celui plus inclusif et pertinent de bonne santé.

En ce sens, il est pertinent de s'accrocher à la définition de la e-Santé par l'Organisation Mondiale de la Santé qui parle de “l'ensemble des services du numérique au service du bien-être de la personne” ! Plus de notion de soins ni de remboursement, mais juste un idéal absolu : le bien-être.

C'est bien à cela que doit servir le modèle social, non ? Le reste n'est qu'un moyen pour y parvenir !


Pour avoir plus d’informations sur ce sujet, les équipes de Cegedim Insurance Solutions sont à votre disposition pour répondre à vos questions.

 

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